Edward Thibault-Echaquan, élève de 5e secondaire, s'est vu remettre une bourse pour le prix de la qualité du français pour l'édition 2019-2020 de Secondaire en spectacle. Voici le texte qu'il a récité le 19 février dernier et qui lui a valu cet honneur.

Tragédie dans un p'tit monde
Par Edward Thibault-Echaquan

En un souffle glacial
J’avance
Dans un monde que je ne connais point
J’avance
Où? Un endroit clos et sans lumière
Sans ciel, sans étoiles
Un simple point dans une voûte céleste
Une arche qui s’effondre
J’ai peur, peur du noir
Peur, comme la glace, de fondre
Dans un espace triste et sans essence
Où, tristement, la lumière ne voit plus le jour
Un endroit où les étoiles sont mortes
Gelées et sombres
Un asile aux murs capitonnés
Dans un soleil noir
Où les âmes ne brillent plus
Comme lasses de chanter
Une alouette terrifiée
Qui d’un vol boiteux
S’élève dans les cieux
Où une aurore boréale
Poignarde les anges
Faisant briller leur sang rouge
Dans un ciel noir et sans images
Dans un cloître sans rêves
Là forcés d’être muets
Des moines s’endorment
Agonisant de leur vie monotone
Pleurs de la poix
De la poix noire et brûlante
Et une lame d’argent
Coupe et tranche
Met fin à mon songe
Dépose de la poussière dans mes yeux
Piquante comme celle que sème le marchand de sable
Celui qui m’a oublié
Comme le long vol funèbre
D’un oiseau au mal être
Qui d’un regard jaloux
Pourfend l’alouette aux couleurs vives
Elle chantait une mélodie
Douce et enivrante
Une fleur à l’odeur douceâtre
Me voilà effondré au fond du ravin
Du ravin de mon âme
Prise elle s’est laissé piéger
Par des lierres rouillés
Des lierres de fer
ouillée par la pauvreté de nos songes
Ces songes sans espoir
Nous sommes abattus par des gens enragés
Nous affichant tels des trophées
Des trophées de chasse
Des peaux en lambeaux
Sur le dos d’un mendiant
D’un vieux vagabond
Courbé comme un saule
Saoul comme un trou
Pris dans une cage
Dont la chandelle s’est éteinte depuis trop longtemps
Depuis qu’elle fut soufflée
Par un homme triste
Qui désespéré a pleuré
Pleuré le sort de son peuple
Prisonnier de sa maison
De sa peine
Et qui se noie
Sans pouvoir remonter à la surface
Coulé par une main dévastatrice
Noyé par une autre nation
Comme un enfant glacé
Dans une neige pourpre
Et qui peu à peu s’enfonce
Dans un désert de glace
Un arctique de pleurs
Je coule
Coule dans le goudron
Me débat
Me débat dans ces pleurs de géants
Dans ces pierres brûlantes
Aux goûts de rose
Dont les épines ont transpercé mon cœur
Mon cœur d’onyx
De pierre
Qui avant était un diamant
Et non du charbon
Un être incandescent
Dont les larmes
Viennent se poser sur la flamme
Dégageant de la vapeur
Un nuage de poivre
Dans un cri strident
Brûle les yeux
De celui ou celle
Qui d’un geste terrifiant
Met fin peu à peu
À une ère agonisante
À un mort las, las de vivre
À des braises qui s’éteignent
Alors que peu de temps avant
L’avenir était là
Mon chemin tracé
Mais tronqué
Je ne peux marcher
La mésange a pleuré
Innocente mère
Qui impuissante n’a pu rien faire
Comme le paon avant elle
A perdu ses plumes
Vendues, elles ornent maintenant
La coiffe d’un vautour
Charognard au sang d’encre
Encre noire et sans goût
Amertume de mon âme
Prisonnier d’un corps sans vie
Mon peuple pleure
Se meurt
Se tue
Ne se regarde plus
Je coule
Coule au fond du puits
Car mon âme, comme une plume sans éclat
Fut jetée dans une eau stagnante
Une eau verte
Une eau visqueuse
Et de là mon peuple ne remplit plus son devoir
Perd sa culture
Car c’est une tragédie
Qui se déroule dans un trou
Se suicide-t-elle en écorchant ses veines?
Ces racines qui avant nourrissaient
Un arbre puissant et admirable
Mon monde se meurt
L’avez-vous vu?
L’avez-vous entendu?
Il crie, il agonise
Il se perd dans la forêt
Il pleure comme une sainte
Un oiseau qui ne chante plus
Éprouve ce silence
Une saison froide et glacée
Une ère de mort, de génocide
Maintenant, il faut, je crois
Lui dire au revoir
Pour mieux le retrouver